Aujourd'hui, surprise des surprises, j'ai vu arriver dans ma boutique une catastrophe ambulante. Moi qui avait toujours pris soin de ne pas communiquer mes adresses tant personnelle que professionnelle à des personnes dont je n'avais aucune envie qu'elles deviennent mes clientes ou amies j'ai eu le choc de ma vie.
Vers 16H j'étais occupé avec un client régulier qui me passait commande quand tout à coup, j'entends une exclamation poussée d'une voix de fausset, et suffisamment fort pour que les quelques quidam qui se trouvaient là relèvent la tête :"Mais c'est toi, A....? (non c'est mon frère jumeau !), c'est donc ici que tu te caches..." Inutile de préciser que je suis devenu blême. Paris est grand, et bien pas suffisamment, il faut croire. Martin, le nez au vent, avait trouvé le moyen d'atterrir chez moi, dans ma boutique, alors qu'il habite à l'autre bout de Paris et que mon quartier n'est pas son endroit de prédilection. C'est un garçon assez gentil, mais un peu extravagant et niveau discrétion c'est pas tout à fait ça. En le voyant, tu te dis obligatoirement "il en est".
Non seulement il nous a interrompu avec mon client mais en plus, a cligné de l'oeil d'un air entendu, comme si nous étions cul et chemise ensemble, et s'est mis près de la caisse m'attendant de pied ferme, et oui, ça c'est Martin. J'ai pris plus de temps qu'il ne m'aurait fallu pour finir avec mon client, espérant qu'il se lasserait et partirait, et bien non, gentil mais tenace !
En m'attendant, il a feuilleté quelques bouquins, en a choisi deux en prenant tout de même la peine de me demander ce que j'en pensais. Bof, je les avais lu en diagonale comme le font la plupart des libraires lors de la rentrée littéraire. On en tire l'essentiel pour pouvoir en parler aux clients intéressés, il y en a tellement qui sorte et pas toujours à notre goût.. Je ne lui ai pas fait de prix. Les affaires sont les affaires, mais il est suffisamment bien élevé pour ne pas en avoir sollicité un.
Il m'a demandé, presque en confidence de lui faire les honneurs des lieux et évidemment c'est dans ces moments là ou on aimerait que la boutique soit pleine qu'elle est vide. Il s'est un peu trop extasié à mon avis sur diverses choses. Puis a fini par me dire que c'était par hasard, qu'il était entré chez moi en allant voir un copain qui habitait 2 rues plus loin. Je l'ai cru car je sais pertinemment ne pas lui avoir donné l'adresse. Comme j'avais dis un jour que nous étions ensemble avec lui, Sergeï et Davidek que j'habitais au-dessus de mon lieu de travail. Il m'en a reparlé et ma demandé si ça ne m'ennuyais pas de lui montrer comment j'étais installé (ben si, justement ça m'ennuie). J'ai bien essayé de dire que ce n'était pas rangé, rien n'y a fait il avait réponse à tout. Sa curiosité était trop forte et je me suis trouvé acculé (j'aime pas ça). J'ai confié la caisse à une vendeuse que je prends en extra de temps à autre et nous voilà partis au 1er.
Il a visité chaque pièce de mon appartement, y compris les commodités, entendez : salle de bains et toilettes. Et bien entendu il a remarqué les photos de mon amour posé un peu partout, dont une grande dans notre chambre. "dis donc cachottier, S... est bien ton petit copain. Je n'avais aucun doute sur ton homosexualité, mais sur lui..." Pauvre S... il a du avoir les oreilles bourdonnantes.
Il a fini par partir (ouf) en me promettant toutefois de revenir "...bientôt.."et de m'envoyer des clients (sourire crispé de ma part. Ben voyons, faisez faisez) tant mieux pour mon chiffre d'affaires, mais pas question que mon magasin devienne une succursale de la cage aux folles.